Résumé de "la course magique"


J'ai volé le titre au journaliste Daniel Bélanger parce qu'il a tout à fait raison ; l'Ironman de Mont-Tremblant a été une "course magique".

Mes objectifs étaient :


- Compléter un premier Ironman
- Compléter ce premier Ironman en moins de 10h
- Faire le top 10 chez les femmes professionnelles
- Être la première québécoise à franchir la ligne d'arrivée

Plus spécifiquement :


- Compléter la natation et la T1 en moins de 1h
- Compléter le vélo en 5h30
- Compléter la course et la T2 en moins de 3h30
- Bien gérer ma nutrition
- Sourire aux spectateurs et aux bénévoles et les remercier le plus possible

Tous ces objectifs, je les savais réalisables sur papier. Je savais que j'avais la capacité de réaliser ces temps, chaque sport séparément. L'enjeu était de les réaliser un à la suite de l'autre dans des conditions caniculaires.

Le résultat ? (Notez l'abus du chiffre 3 haha)


Natation : 55:53
T1 : 3:33
Vélo : 5:33:33
T2 : 1:34
Course : 3:21:20
Total : 9:55:53
10e pro
11e femme
71e mixte

Mais comment ai-je fait ?







Le réveil sonne à 4h30. Malgré que ce soit tôt, je n'ai pas de difficulté à me lever. Je ne perds pas une minute à enchainer toutes les étapes que j'ai visualisées avant de me coucher : m'habiller, appliquer les tattoos (numéros sur les bras), mettre de la crème solaire, manger les toasts au beurre d'amandes frettes, boire du jus de betterave (eh oui !), plaquer mes cheveux, faire la tresse, pomper les pneus, boire de l'eau le plus possible, aller porter mon vélo dans la zone de transition, finaliser mes sacs de transition et me diriger au départ de la natation pour m'échauffer. Et tout ce temps, j'ai déjà le soutien de deux des meilleurs supporteurs, Martine et Élise.

Arrivée à la plage, je sors mon wetsuit et je me rends compte que j'ai oublié de remettre mon sac de "special needs" de vélo dans lequel j'ai prévu des gels LG1 et une bouteille de LG1 supplémentaire. Je n'ai aucune idée où je dois le remettre. Je pèse le pour et le contre à savoir si c'est vraiment nécessaire que j'aille le porter. Je conclus que dans les conditions caniculaires annoncées, c'est essentiel. Je demande à un bénévole et, à mon grand désespoir, il m'annonce que je devais le remettre dans la zone de transition, laquelle se trouve à environ 15min de marche. Il est 6h et mon départ est à 6h39. En gougoune, je pique une course. J'ai droit aux regards curieux d'une marée d'athlètes et de spectateurs qui marchent tranquillement en sens inverse. Je me souviens m'être dit : "Une chance qu'on ne voit pas mes tattoos et donc que les gens ne savent pas que je suis pro". Quelle erreur de débutante ! Je remets le sac 5min avant la fermeture de la zone de transition et je retourne, toujours au jog en gougoune, vers le départ de la transition. Je confirme dès lors que ce sera une journée TRÈS chaude. Je suis déjà toute mouillée !

De retour auprès de ma gang de supporteurs, je suis un peu sur les nerfs. Je tente d'enfiler mon wetsuit rapidement. Échec. Je suis un peu fâchée parce que je constate que je n'aurai pas le temps de nager avant mon départ et c'est normalement une étape importante pour moi le matin d'une course. Malgré tout, je trouve le moyen de leur sourire, de les remercier et de les serrer dans mes bras avant d'aller rejoindre mes compétitrices.

Je me sauce à l'eau le temps de quelques coups de bras et de godille. Je salue mon coach, Pierre-Yves, dont le départ est 3min avant le mien. Je salue Caroline Martineau, l'autre québécoise chez les professionnelles. Ma mère et mon frère trouvent le moyen de se faufiler jusqu'à la clôture pour venir me donner les dernières bises d'encouragement. Puis, alors qu'on se trouve à environ 10min de mon départ, je crée ma bulle. Plus un mot. Le regard porté vers le lever du soleil à l'horizon. C'est le temps de visualiser les dix prochaines heures en moins de 5min. L'hymne national me donne des frissons. Les caméras rodent autour de nous et je réalise qu'elles ne m'intimident pas. Je suis prête.


Même si j'en étais à mon PREMIER Ironman, je n'ai jamais été aussi confiante ce matin-là que j'étais à ma place sur cette ligne de départ composée de certaines des meilleures triathlètes au monde.


Au son du fusil, je m'élance et, comme au demi-Ironman de Mont-Tremblant, je prends vite les devants. Or, je connais les capacités de mes compétitrices et je sais qu'au moins 2-3 d'entre elles me rattraperont et fileront à une vitesse que je ne pourrai même pas tenir dans leurs pieds. C'est ce qui se produit. Par contre, je suis capable de m'accrocher au deuxième peloton. Nous sommes quatre. Je tiens bon jusqu'aux deux tiers du parcours où les hommes qui partaient 3min après nous commencent à nous rattraper. Les filles essaient de s'accrocher à leurs pieds, ce qui crée beaucoup de changements de vitesse que je ne suis pas capable de tenir. Je me fais donc larguer, ce qui me fâche un peu, mais je reste optimiste, car je sais que je suis encore en bonne position.


En sortant de l'eau, j'enlève mon wetsuit tellement rapidement que les "wetsuits peelers" n'ont qu'à m'aider pour retirer qu'une jambe. Le wetsuit autour du cou, je cours vers la première transition. J'essaie de ne pas courir trop vite pour ne pas m'épuiser inutilement, mais en même temps, il y a une foule de spectateurs qui me soulève. J'entends mon nom un peu partout, mais c'est difficile de cerner les visages. Je souris. Je cherche un peu mon air, mais je sais que c'est normal et que je peux tenir cet inconfort jusqu'à ce que j'embarque sur le vélo. La transition s'effectue à merveille. Je passe à côté d'une compétitrice sous la tente. Avant de sauter sur mon vélo, j'aperçois un chronomètre officiel et je réalise que cela fait moins d'une heure que je suis partie. Objectif numéro un atteint ! Yeah !


Les objectifs de temps sont davantage ceux qui m'intéressent, car ce sont ceux que je peux contrôler. Je ne peux pas contrôler la course de mes compétitrices, alors je n'accorde pas trop d'importance à ma position bien que j'aime être au courant.


En vélo, c'est le jour et la nuit avec les sensations que j'avais au demi-Ironman il y a deux mois. J'ai des bonnes jambes, je suis concentrée et j'y trouve du plaisir. Le premier tour se déroule relativement bien à part que je manque de perdre mon odomètre à tout moment au point tel où je dois le ranger dans une poche de mon jersey. Je navigue donc dans le néant : sans capteur de vitesse ni de cadence et encore moins de puissance comme plusieurs ont.

Je suis sur mes gardes dans la première montée Duplessis pour ne pas m'éclater les jambes. Le plan était de commencer à me démolir les quadriceps une fois sur la 117 lors du deuxième tour. Malheureusement, arrivée sur l'autoroute, je n'arrive pas à augmenter l'effort. Au contraire, j'ai l'impression de perdre le rythme. Les filles me rattrapent de plus en plus. Quand Caroline Martineau m'a dépassé, j'avoue avoir lâché un beau (ou pas) gros "TAB*****". Je ne comprenais pas trop parce que je croyais vraiment avoir bien géré mon premier tour. Dans la situation, je me dis qu'il est important que je continue de m'hydrater et de manger suffisamment et non pas de tenter de pousser plus fort au point de ne pas prendre le temps de boire ni de manger. J'essaie de tout donner ce qui me reste dans la deuxième montée de Duplessis, mais il reste franchement pas grand chose. J'ai très hâte de passer à la course à pied.

Lors d'un Ironman, on n'a pas besoin d'aller replacer notre vélo sur son support. Après la ligne de débarquement, on laisse notre vélo à un bénévole et on court vers la tente de transition. Après 10 mètres de course, j'étais moi-même bouche-bée de constater que j'avais les jambes légères. Arrivée sous la tente, j'ai la chance d'être accueillie par 4 bénévoles efficaces qui m'encouragent en mentionnant que j'ai l'air fraîche. Je me dis que ça concorde drôlement avec les sensations que j'ai. Les bénévoles, je le répète, sont solides : l'un vide mon sac, l'autre me fournit mes accessoires dans l'ordre que je lui demande, un autre s'occupe de ranger ce que je laisse dans le sac et enfin un autre s'occupe de me mettre de la crème solaire sur les épaules. Puis, je suis bonne pour un marathon !


La première (et dernière) fois que j'ai fait un marathon, c'était en 2009, au marathon d'Ottawa. Les conditions étaient semblables c'est-à-dire caniculaires. J'avais souffert. 

Cette fois, je suis déterminée à vivre un marathon mémorable. En sortant de la tente, j'ai le sourire collé jusqu'aux oreilles grâce aux nombreux spectateurs qui sont présents et m'encouragent. Je me souviens d'avoir croisé le regard d'Isabelle Gagnon, une idole. Au pied de LA bute (pour ceux qui connaissent le parcours), il y a coach Chris qui, fidèle à son métier, y va de conseils bien utiles : " N'attaque pas les montées. N'oublie pas que tu en auras plusieurs autres ". Et moi, fidèle à mon métier, je suis ses judicieux conseils.




Sur le premier tour, je suis consciente de chaque personne qui m'encourage. Je me souviens de la gang d'oreilles de Mickey roses, de Félix et Léonie, de Isabelle Pelland, des parents d'Isabelle Rouleau, etc. Mais SURTOUT de Pamela et David qui, au 9e kilomètre environ, me donnent un boost d'énergie : " Caro, ça va super bien, tu cours plus vite que toutes les filles devant toi. Tu vas les rattraper ! "

Je cours avec ma montre Polar et je constate que je suis mon plan de match parfaitement jusqu'à maintenant, soit en courant autour de 4:40/km.

Au 15e kilomètre environ, je croise ma meilleure amie Karine, dont la présence est toute une surprise. J'en ai les larmes aux yeux.





Au terme de la première boucle, je croise mes parents et mes amies, ce qui me donnent encore une fois une bouffée de bonheur et me pousse à courir les kilomètres 21 à 26 à 4:17/km selon Sportstats. Wow ! Puis, c'est de retour sur la piste cyclable du petit train du nord que la course s'est jouée. Je croise en sens inverse mes compétitrices et je constate qu'elles ne sont plus bien loin devant et que, comme me fait remarquer David, " elles sont toutes en train de casser ". J'ai encore une chance de terminer parmi les 10 premières !

Je ne me souviens plus trop du dernier tiers de la course. Je me souviens que je regardais loin devant tentant d'aller chercher chaque fille que je pouvais. " I was in the zone". 

Les 3-4 derniers kilomètres ont été particulièrement difficiles. Sportstats vous le confirme, je courais à 5:30/km. Heureusement, les autres filles couraient encore plus lentement ;)

Le dernier kilomètre, c'est du bonbon. La foule semble majestueuse et les émotions sont à leur paroxysme. J'ai de nouveau le sourire collé jusqu'aux oreilles. À la ligne d'arrivée, je vois le chrono et réalise que j'ai atteint un premier objectif : le compléter en moins de 10h. Je suis émue. Puis, on me confirme rapidement que je suis 10e et la première québécoise ! Wow ! Tous mes objectifs sont atteints ! Wow ! Puis, j'ai la chance de partager le tout avec mes proches. Wow !

WOW ! WOW ! WOW !

C'est tout ce qui me vient à l'esprit. Je n'ai plus rien à dire.

Merci à Ironman Mont-Tremblant et 10.21.42 pour les photos.

Mille mercis à mon Best Support Crew Ever : Martine, Élise, Steph, Audrey, Pamela, David, Grand frère, Papa, Maman.

Mille mercis à mes commanditaires : Merrell, Garneau, Polar, Tyr, Compressport, Rotor, Physio Proactif.


Un million de mercis à mon coach : Pierre-Yves Gigou.












Commentaires

  1. Toujours d'excellents race report comme je les aime. Félicitations Caro! Première Québécoise à ton premier Ironman, c'est tout un honneur!

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